Edition HIVER 2023-4

Ségovie: le témoin muet... à coeur ouvert

Espagne

| Détour impératif à partir de Madrid

Depuis 2000 ans, l’aqueduc romain de Ségovie veille sur la cité. Au gré des siècles, il a vécu les heures de gloire et de repli de cette petite ville. Impénétrable, muet, silencieux... à moins de caresser du regard et de la main l’une de ses pierres pour quelques confidences.


Cet ouvrage extraordinaire est composé de 20 400 blocs de granit qui reposent simplement les uns sur les autres sans aucune trace de ciment. La plus petite pierre pèse une tonne et la plus grosse 2030 kilos. Des arches au nombre de 66 réparties sur deux niveaux dans un équilibre quasi surnaturel s’élèvent jusqu’à 29 mètres et s’alignent sur une longueur de 728 mètres.

Près de la route de la Granja, l’aqueduc commence sa route au raz du sol puis brusquement s’élève dans le ciel grâce au pilier incurvé, magie de l’architecture, formant un angle de 90 degrés. Sa course survole la vallée et poursuit son chemin jusqu’à l’intérieur des remparts de la cité.

On se demande encore aujourd'hui pourquoi les Romains ont entrepris une telle construction en ce lieu alors que Ségovie n’était qu’un hameau peuplé de 25 habitants. L’arrivée d’eau pour une armée de 30 000 hommes au repos semble l’hypothèse la plus vraisemblable mais sans être prouvée. Etait-ce sous le règne de Trajan ou à la fin du premier siècle sous les Flaviens? Le mystère demeure... sans oublier la légende qui circule. Une jeune fille était fatiguée d’aller chercher de l’eau tous les jours dans la vallée. Elle demanda de l’aide au diable, lui vendant son âme s’il réussissait à construire un point en une nuit. Le pacte fut conclu. Mais, soudainement prise de remords, l’inconsciente adressa une prière à Marie. Les trous dans les pierres révèlent les marques des doigts de Satan au travail. Le matin, il manquait toutefois un élément. Le diable avait perdu et la Vierge se nicha au dessus des trois piliers les plus hauts en 1520.

Ce chef-d’oeuvre de la technique hydraulique romaine réunit les trois qualités de style les plus difficiles à trouver: la simplicité, l’élégance et la grandeur. L’aqueduc fut restauré en 1992 et, depuis cette date, toute circulation automobile est interdite sous ses arches dont les bases tremblaient à chaque passage de véhicule. Il s’agissait ainsi de ne pas voir s’écrouler l’élément ayant permis à Ségovie d’être déclarée «Ville Patrimoine de l’Humanité» par l’UNESCO. Certes, les habitants grognent encore un peu: le détour obligatoire par une sorte de périphérique bordant la colline est d’environ cinq kilomètres. Il n’y a toutefois pas de problème à pied pour le franchir.

 

Ségovie

 

La balade

Depuis 2000 ans, l’aqueduc en a vu des vertes et des pas mûres. A quelques centaines de mètres en remontant la rue Juan Bravo se dresse, à droite, la demeure Renaissance la plus populaire de Ségovie. Elle fut construite au XVème siècle par un certain Pedro Lopez de Atala. Le propriétaire suivant fit recouvrir toutes les façades de pierres en pointes de diamant pour faire oublier, selon la légende, son appellation de la «Maison du Juif». Sous le soleil d’autour' hui, l’effet décoratif dans un jeu d’ombres et de lumière est saisissant.

Puis, quelques venelles se dévalent en zigzaguant dans le ghetto habité jusqu’en 1492 par 500 familles juives. La vue sur les pins-parasol du cimetière de l’autre côté de la colline est superbe. En remontant vers le centre de la vieille ville, le visiteur flânera également sur la Place San Martin dont l’église romane date du XIème siècle. Colonnes géminées et chapiteaux décorés de scènes bibliques sont à la clé.

Enfin, voici la Place Mayo dont le centre abritait autrefois l’église San Miguel. Sur son parvis, Isabelle la Catholique fut proclamée Reine de Castille le 13 décembre 1474.

«A vrai dire, murmure l’aqueduc, ce fut un auto-couronnement. La véritable reconnaissance fut imposée dans le sang.»

Aujourd’hui, c’est un plaisir de s’attarder à l’une des tables des nombreuses terrasses de la Place Mayo. Histoire d’admirer confortablement la Cathédrale gothique de Ségovie construite dès 1515 bien que le style Renaissance prédominait déjà cette époque. Histoire aussi de soulager ses jambes fatiguées de la balade et de reprendre des forces. Le meilleur vous attend à condition d’avoir des mollets de vieux Suisses pour grimper les 186 marches abruptes de la tour la plus haute de l’Alcazar pour découvrir un paysage unique.

 

Ségovie

 

Figure de proue

La vallée sera ainsi dominée pour mieux apprécier la roche sauvage découpée étrangement en forme de proue à la confluence des rivières Eres mA et Claymores où l’Alcazar se perche au sommet de la colline. L’origine de ce château aux lignes pures et dures remonte dans la nuit des temps. On parle d’un site romain, d’un refuge pour les musulmans et son nom est évoqué pour la première fois au XII émet siècle par Alfonse VI, juste après la Reconquête. Tous les rois qui passèrent par l’Alcazar y laissèrent leur empreinte et même les architectes de Louis II de Bavière s’en inspirèrent.

 

Ségovie

 

Un touriste américain s’exclame: «On se croirait à Disneyworld.» Que répliquer? Tout simplement qu’ici, tout est authentique dans l’oubli total du frelaté.

Ségovie a toujours vécue repliée sur elle-même. Aujourd’hui encore, cette petite ville de 58 000 habitants vit à l’écart des grandes liaisons routières et ferroviaires même si plus de 5000 étudiants ségoviens sont des pendulaires quotidiens des facultés de Madrid et que beaucoup de Madrilènes privilégiant l’art de vivre y ont déniché leur résidence secondaire. Quant aux touristes en excursion d’une journée, ils aimeraient voir la cité leur jouer une représentation supplémentaire, le lendemain.

Claude-Yves Reymond

 


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14.11.2011 16:49

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