Au début des années nonante, des sondages de marketing révélèrent étonnamment que les utilisateurs réels et potentiels de «4711 Original Eau de Cologne» ne connaissaient toujours pas de façon claire et évidente son utilisation. La solution se décline pourtant simplement en deux temps: friction intégrale du corps et inspiration profonde de cette senteur unique. Les essences de fleurs et de zestes d’agrumes ont des vertus subtiles qui diffusent leurs bienfaits vivifiants dans tout l’organisme. L’odeur agréable est un plus.

Le sens des affaires

Toute l’histoire remonte au 8 octobre 1792, le jour du mariage de Wilhelm Mülhens, commerçant de Cologne. Le moine chartreux Franz Maria Farina lui remit en guise de cadeau la recette secrète d’une «aqua mirabilis» en provenance d’Italie. Cette eau merveilleuse et admirable soignait pratiquement tous les maux: des coliques à la rage de dents en passant par les vapeurs des élégantes engoncées dans des corsages trop serrés et le rhume. Les gazettes de l’époque relataient les qualités du produit que l’on utilisait alors en usage interne: « Les personnes peuvent absorber entre 50 et 60 gouttes diluées dans de l’eau ou du vin. De la sorte, elle agit au mieux contre les palpitations.»

Wilhelm Mülhens n’était pas le seul à fabriquer à Cologne ce produit considéré comme un médicament dont la réputation s’étendit dans toute l’Europe mais il sut racheter ses concurrents les plus importants avec un sens aigu des affaires.

L’adjonction du nombre 4711 date de 1796 lorsque le général Daurier, commandant de la garnison de Cologne, ordonna que l’on numérota toutes les maisons pour faciliter le cantonnement des troupes françaises. L’immeuble de la Glockengasse où était fabriquée l’Eau de Cologne signée Mülhens reçut le numéro 4711, quatre chiffres qui figurèrent très vite sur l’étiquette de la potion miracle. Le succès était considérable et les profits juteux.

Formule secrète

L’affaire sembla se gâter en 1810 lorsque Napoléon, par décret impérial, décida que la formule de tous les médicaments devait être rendue publique afin de favoriser la concurrence et une baisse des prix. Sans vraiment le savoir, l’empereur induisait la notion des génériques. Mülhens ne l’entendit pas de cette oreille: pour échapper à cette obligation, il décida que la 4711 à usage interne allait devenir une eau de toilette vivifiante à usage externe. Le mode d’emploi ou «billet de recettes» comme on disait à l’époque fut modifié en conséquences avec frictions et inhalation.

La formule demeure ainsi toujours secrète. Certes, en 1997, n’importe quel laboratoire d’analyses peut déterminer que l’on y trouve du romarin, de la lavande, du citron, de la bergamote, de l’orange amère,... mais l’ordre d’entrée des 4% d’essences, leur température lors de l’élaboration, le temps de mûrissement du produit et le savoir-faire restent inaccessibles aux concurrents.

Succès éternel

Aujourd’hui, avec une capacité maximale de remplissage des cuves de 1 200 000 litres, plus de 1000 personnes travaillent en banlieue de Cologne dans la fabrique Mülhens tournant 16 heures par jour. Le «trois huit» est introduit à la veille des fêtes de fin d’année et lors du lancement d’un nouveau produit. Vingt-cinq parfums et dérivés y sont produits: le haut de gamme boutique est griffé Gucci, Charles Jourdan et Rochas; un peu moins cher, Gabriela Sabatini, Puma et Priscilla Presley sont des succès en grandes surfaces. L’un des derniers nés pour l’homme moderne: «21st Century Galileo» vendu à déjà plus de 300 000 litres cette année aura une durée de vie estimée à quatre ans en raisons des caprices de la mode. «4711 Original Eau de Cologne» dont la publicité promet aujourd’hui les vertus aromathérapiques originelles résiste depuis 1792 et se classe toujours parmi les cinq premiers de la firme avec plus de 200 000 litres par année.

Katie Arbane pour Espace Tonique

* En savoir plus: Mülhens Gmbh & CO KG, Venloer Strasse 241-245, 50823 Cologne; magasin musée: Glockengasse 4711.